“Il faut empêcher de signer le TTIP, sinon c’est foutu pour tout le monde”

Une maison modeste face à la gare de Jette en plein cœur de Bruxelles. Aux fenêtres, des affiches annoncent des activités diverses allant de l’alphabétisation à informatique, en passant par de la gymnastique et des ateliers de bien-être. C’est l’Espace Femmes, un des lieux de l’action de Vie féminine où des femmes de tout âge se rencontrent sans barrière culturelle, s’instruisent et se mobilisent pour une société solidaire et égalitaire.

Avec le MOC et la plate-forme D 19-20, des femmes de Vie Féminine, organisme d’éducation permanente, mesurent l’urgence de se bouger par rapport aux risques que fait peser ce traité sur les normes sociales et environnementales européennes. Les animatrices, les bénévoles et toutes celles qui sont intéressées dans les différents centres de Vie féminine de Bruxelles suivent une formation avec Jacques Debatty (MOC). Mi-octobre 2015, elles rejoignent la grande manifestation sur la désobéissance civile. Le 18 décembre, même année, c’est la journée internationale des migrants, et les participantes, fortement mobilisées, créent des chants contre le TTIP. Elles convainquent d’autres groupes de femmes de se joindre à cette contestation.

Le foulard n’empêche pas de manifester

« La première fois je n’ai rien compris, dit Bouchra, jeune marocaine arrivée voici deux ans en Belgique. Quand nous avons fait la manifestation, j’ai suivi. Puis j’ai appris qu’il s’agissait de notre avenir, de celui de nos enfants, de nos voisins. Il faut empêcher de signer le TTIP, sinon c’est foutu pour tout le monde, on ne saura pas ce qu’on va manger, comment se soigner, s’il y aura encore des services publics et même des emplois.» Son amie renchérit: «Il faut montrer qu’on n’est pas d’accord. Les multinationales se parlent en secret et ne nous demandent pas notre avis sur la démocratie. Je n’avais jamais vu de manifestation, sauf à la télé! On se demande ce qu’il se passe avec tous ces drapeaux et les cris de tout le monde. Mais avant de juger, il faut aller voir. Ce qui m’a impressionnée, c’est que certains venaient de loin. Des Espagnols avaient traversé toute la France et voyagé deux jours pour nous rejoindre. »

Une palette d’outils

Cela a commencé par un tract sous le slogan «les femmes sont in-traitables». Mais pour celles qui ne savent pas encore ou difficilement lire, un picto-langage a été créé pour expliquer clairement l’impact du TTIP sur la vie quotidienne et les menaces sur les droits sociaux et économiques. Ensuite, elles ont monté un film de présentation du TTIP qui reprend les infos du tract. Elles ont aussi peint des banderoles, et imprimé des slogans sur des t-shirts.

_LUD0150Reconnaissant que les manifestations peuvent présenter des risques, Lune Léoty, la responsable permanente de Jette, a formé les femmes à se préparer aux manif par des jeux de rôle en leur recommandant de ne pas se retrouver seule et se tenir la main. Pas évident pour les femmes de prendre le temps d’aller marcher, chanter, donner de la voix tout en laissant les enfants, tout ce qu’il y a à faire à la maison. Certaines, notamment les sans papier, ont des appréhensions à marcher en public et affronter les regards, en espérant que ce ne soient pas les mêmes qui leur tirent la tête dans le métro!

Une autre initiative encore de ce groupe dynamique de Jette a été la présentation d’une conférence gesticulée. Elle s’est déroulée lors des ateliers du matin organisés au sommet alternatif avant le départ de la manifestation de Bruxelles contre les accords de libre-échange du 18 avril 2015.

Une détermination qui ne se dément pas en 2016

Le 22 mai prochain aura lieu «Réciprocity», la fête du mieux vivre ensemble dans la commune avec divers mouvements de l’entité communale qui s’est déclarée hors TTIP. L’Espace Femme a décidé de mettre en avant sa lutte contre le TTIP en organisant un atelier de sérigraphie de production de t-shirt où imprimer soi-même un slogan marquant son opposition au traité de libre-échange.
«Il faut en parler autour de soi, insiste Bouchra. Quand je monte dans le bus, dans le métro j’en parle avec les gens et je plaque des autocollants partout. On doit y aller! Mon mari qui ne voulait pas que j’aille manifester a cédé à ma volonté: quand tu as pris une décision, je sais que tu ne reculeras pas!, a-t-il dit.»

L’Espace Femme de Jette a bien l’intention de poursuivre la lutte. «Quand il y a une récession, dit Lune, ça compte chaque fois double contre les femmes. Et le TTIP permet une mobilisation du croisement des trois luttes majeures: celle entre les classes sociales, entre les gens, et entre les appartenances identitaires. Il faut montrer nos spécificités à nous, et montrer vivement qu’on ne se laissera pas faire.»

Rendez-vous est pris pour le 22 mai à la fête Récipro’city!