Finance et climat: pour un diagnostic politique, pas un pansement technique

Il est des mots que l’on aime entendre. L’espoir qu’ils engendrent nous fait croire que des initiatives positives et immédiates sont possibles. C’est le cas du “Pacte finance-climat”. Entendre parler de milliards pour le climat est rassurant. Certes, mais se laisser porter par la facilité aujourd’hui peut avoir des conséquences négatives à long terme.

Depuis peu, la finance surfe sur la vague des protestations climatiques et produit son propre discours sur le changement climatique. Il semblerait que mettre des milliards sur la table pourrait faire baisser l’escalade de nos thermomètres. En Europe, des élus parlent de la création d’une banque du climat, ou d’un Pacte finance-climat.

Mais avant même de regarder d’où viendrait l’argent de cette banque et comment il serait distribué, il faut d’ores et déjà se demander: Comment la finance, comprise comme le système bancaire et financier d’une part, et ses principaux bénéficiaires – c’est à dire les personnes fortunées – d’autre part, pourrait-elle à la fois être la cause et la solution de la crise climatique sans que des transformations profondes n’aient été engagées? Le système actuel souffre-t-il d’un manque d’argent ou plutôt d’une mauvaise attribution de l’argent voire d’un trop-plein d’argent? Puisque nous vivons dans une économie principalement basée sur les énergies fossiles et la spéculation financière, les circuits existants sont-ils à même de produire autre chose qu’une destruction du vivant et une modification profonde du climat?

Si l’on regarde tout de même la proposition de banque du climat, on voit une augmentation de l’endettement public et privé pour financer la transition vers une économie bas-carbone. En d’autres termes, la population paierait la note de la transition, tandis que les banques et autres multinationales continueraient de profiter du système. Il est injuste que les gagnants d’aujourd’hui demeurent… les gagnants de demain.

Ceci est d’autant plus vrai que le Pacte finance-climat ne fonctionnerait que si les banques (essentiellement privées) se faisaient les intermédiaires entre la banque du climat et les citoyen.ne.s européen.ne.s. Les banques privées pourraient ainsi continuer à rester au centre du système tout en verdissant leur language et une partie infime de leur pratique: le Pacte finance-climat parle de 1.000 milliards pour le climat alors qu’à elles seules, les banques européennes prêtent 15.500 milliards aux entreprises et aux particuliers.

Pour gagner la bataille nous dit-on, il faut être réaliste. Certes. Mais ajouter de l’argent dans le système financier actuel est non seulement risqué et dangereux, au vue de sa fragilité, mais également injuste vu sa propension (intrinsèque) à creuser les inégalités.

D’autres solutions pragmatiques existent, mais qui impliquent de changer la donne, et de prendre aux gagnants pour rendre aux perdant.e.s. Et finalement, c’est ce que les discussions actuelles sur la finance et le climat oublient: poser la question “Qui va en profiter et qui va perdre ?”. Les signataires du Pacte, qui incluent le prince de Monaco, une ancienne secrétaire générale des patrons français et un ancien directeur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), nous éclairent en partie sur cette question.

La création d’une banque du climat ne fait qu’ajouter une couche de vert à un système déjà très noir du point de vue social, humain et environnemental. Les propositions du Pacte finance climat donneraient bonne conscience aux intérêts en place. Il appartient aux mouvements sociaux d’esquisser les voies possibles pour un vrai changement plutôt que de bercer les Européen.ne.s d’illusions.

Le détail de l’analyse produite par Lora Verrecke et Aline Fares à propos du Pacte finance climat est disponible sour le titre: “Pacte Finance-climat: une communication radicale pour que rien ne change?” disponible en accès libre ici: https://blogs.mediapart.fr/lora-verheecke/blog/280619/pacte-finance-climat-une-communication-radicale-pour-que-rien-ne-change