La justice fiscale par l’exemple

Ce 8 juin, le Réseau pour la Justice fiscale (RJF) et le Financieel Actie Netwerk (FAN) organisent le 7ème Tax Justice Day. Des militants des associations membres de ces deux réseaux ont prévu d’aller à la rencontre des navetteurs dans une quinzaine de gares belges dès 6h30. Cette année, l’attention se porte sur la fraude et l’évasion fiscales.

Né en 1998, le RJF réunit aujourd’hui une trentaine d’organisations dont syndicats, ONG de développement, mouvements de jeunesse et d’éducation permanente, associations de financement alternatif, groupes de citoyens… (liste complète).
Il poursuit un double objectif:
• l’information du public sur le rôle de la fiscalité dans le combat pour une plus grande justice sociale, sur les mécanismes de la spéculation financière et ses conséquences sur la vie des citoyen-ne-s (du Nord comme du Sud)
• l’interpellation du monde politique quant à la nécessité d’un encadrement strict des marchés financiers, d’un refinancement des biens et services collectifs et de mesures en faveur d’une économie centrée sur l’humain et non sur le profit à tout prix.

L’action du réseau ne se limite pas à l’organisation de cette journée de la justice fiscale. Un passage sur le site en apporte la preuve.

La campagne imaginée pour cette édition 2017 fait le parallèle entre les cadeaux fiscaux reçus par les multinationales et l’appauvrissement des services publics et de la sécurité sociale. Accompagnés d’une explication chiffrée claire, une série d’exemples traduisent très concrètement ce que signifie cet argent qui s’échappe d’année en année et depuis des lustres.

Nous relayons cette campagne intégralement dès aujourd’hui et dans les jours à venir.
Le premier volet envisage d’une part ce que permettrait la récupération des «excess profit rulings», barbarisme au propre et au figuré, et d’autre part deux mesures simples pour lutter contre la fraude fiscale.


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Le gouvernement Michel est à la recherche du meilleur cabinet d’avocats pour épauler le ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) au sujet des excess profit rulings que lui reproche l’Union européenne et dont il entendait éviter le remboursement. L’Europe considère en effet comme des aides d’Etat illégales ces accords fiscaux qui, entre 2005 et 2014, ont permis à certaines multinationales de diminuer leurs bénéfices imposables.
Le coût pour le budget de l’Etat est de 1,15 milliards d’euros!
Pourquoi donc le gouvernement ne joue-t-il pas le jeu?

Un attaché A1 au Service Public Fédéral Finances — en début de carrière — coûte 39.800€ par an. Donc, avec 1,15 milliards, il serait possible de recruter et de rémunérer 2880 attachés A1 pendant 10 ans. Si ces fonctionnaires étaient affectés au contrôle fiscal, ils pourraient, une fois formés, rapporter à l’Etat 10 fois leur «coût», c’est-à-dire 1.146.240.000 € par an (2880 x 398.000 €)!

Notez bien que la pénurie de personnel qu’entraîne le non-remplacement lors des départs à la retraite au Service Public Fédéral Finances aura pour conséquence, comme annoncé officiellement, qu’il n’y aurait plus de contrôle fiscal en 2020!

Ce sont les gouvernements qui accordent des avantages fiscaux aux entreprises. Mais les multinationales font pression sur eux pour payer le moins d’impôts possible. Sans ces pressions, nous ne subirions pas cette guerre fiscale entre pays qui a comme conséquence que les grandes entreprises paient un impôt dérisoire.

Ce qu’il faut faire

La transparence est la première étape indispensable dans la lutte contre l’évasion fiscale.
Pour y arriver, nous exigeons, avec les ONG, les associations et les syndicats européens, la publication obligatoire par les entreprises transnationales d’un rapport pays par pays de leurs activités, de leur chiffre d’affaires, de leurs salariés, de leurs profits et des impôts payés. Ceci, afin d’identifier les mécanismes d’évasion fiscale et d’imposer les entreprises dans les pays où ont lieu leurs activités.

Les nombreuses déductions fiscales qui profitent aux grosses sociétés doivent être strictement limitées, voire supprimées.


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Certains contribuables «oublient» de déclarer leurs revenus. Selon Karel Anthonissen*, il s’agit de 62.000 dossiers représentant 36 milliards de revenus non déclarés entre 2006 et 2013. Si les moyens financiers nécessaires étaient consacrés au renforcement de la Justice, ce sont plus de 10 milliards d’euros qui pourraient être récupérés par l’Etat.

Par ailleurs, 10 autres milliards pourraient être récoltés en contrôlant et sanctionnant les grandes entreprises qui ont recours au travail au noir, aux placements dans les paradis fiscaux ou autres fraudes dans la construction, l’horeca, le secteur du diamant…

En bref, en appliquant ces deux mesures, le Trésor public pourrait récupérer environ 20 milliards d’euros! Or, d’après le Conseil supérieur des Finances, le gouvernement Michel doit encore trouver 5 milliards d’euros avant la fin de la législature pour mettre le budget en équilibre. Il doit aussi trouver 30 milliards d’euros d’ici à 2030 pour financer le Pacte national pour les investissements stratégiques, ce qui permettrait notamment d’améliorer les transports publics.

Conclusion

L’Etat doit arrêter de faire des économies sur le dos de la population. La lutte contre la fraude fiscale est la solution pour combler le déficit budgétaire. Les recettes ainsi engrangées permettraient des investissements considérables dans l’économie réelle et dans l’amélioration du bien-être de l’ensemble de la population.

* Karel Anthonissen est l’ex-directeur régional de l’Inspection spéciale des impôts de Gand. Il a été mis à l’écart fin 2016, d’une façon qu’il conteste. En janvier 2017, on l’a chargé de mener une étude sur la lutte contre la fraude fiscale dont le terme est prévu en 2018, soit l’année de ses 65 ans et donc de sa pension.