L’avenir arrive au présent

Le temps s’écoule, un chiffre change…
2017 s’inscrit partout, portant l’espoir d’une année nouvelle moins éprouvante que la précédente. Santé, bonheur, prospérité… mots magiques devenus difficiles à croire «pour de vrai»!

Les motifs de colère ne manquent pas. Plus profond que l’indignation, l’écœurement est quotidien. Que de plaies dans le monde à cause de la mauvaise volonté des hommes, incapables qu’ils sont de vivre ensemble sereinement sur une planète aussi belle que maltraitée.

S’en alarmer est légitime, il y a de quoi désespérer mais ce n’est pas nouveau. Kant le philosophe était persuadé du progrès moral de l’humanité grâce aux lumières de la connaissance… Il n’en est rien: la technique elle-même, au lieu de délivrer, se met au service de la bêtise humaine.

Quid du passé, quoi du présent

Céder à l’accablement ne mène nulle part, et la colère n’apporte que déconvenues. Américains et Anglais le paient cher aujourd’hui. La contestation radicale est certes libératrice dans un premier temps, mais il est plus sage de lui préférer l’insurrection positive, et de porter attention à conserver quelques trésors que nous a légués le passé à ses meilleures heures.

Dans son discours de réception du prix Nobel de littérature à Stockholm en 1957, Albert Camus disait: «Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse». Parole plus que jamais d’actualité, alors que nous sommes confrontés à des déstabilisations de tous ordres dont la plus grave à mon sens est l’ultra-libéralisme insensé provoquant le réchauffement climatique galopant. S’ils ne sont pas contrés, les humains se dirigent inexorablement vers leur perte.

Européens vers l’avenir

Dans cette ambiance de décadence et de violence à laquelle notre vieille Europe ne s’attendait plus, habituée à un long temps de confort et de paix, comment avancer? Où trouver les forces pour empêcher le pire et atteindre enfin, sur toute la planète, une interdépendance constructive voire harmonieuse entre les hommes?  

La solution est certainement collective et passe par l’action. Mais cela ne suffit pas. Chacun, à partir de sa vie, au profond de sa conscience personnelle qu’il nourrit de son expérience et de ses convictions, peut contribuer à une vie bonne et juste à la fois, pour soi et pour les autres. Des milliers d’entre nous s’interposent contre les politiques dévastatrices et ne se laissent plus mener par le bout du nez. D’autres proposent des solutions avec de nouveaux comportements faisant place à des projets et initiatives tous plus pertinents les uns que les autres. Le local, le bio, le faire ensemble, le temps donné, le partage, prouvent que l’humanité est en train de se ressaisir grâce à des hommes et des femmes qui ne sont ni dans les talk-shows ni aux tables de négociations politiques, ni surtout accrochés aux chiffres de la Bourse, mais qui, un jour après l’autre, labourent les champs de la vie et sèment à toutes volées.

Ce qu’ils veulent? Des choses simples. Une nourriture durable, une nature respectée et non surexploitée au profit des paradis fiscaux, une démocratie où participer ne se réduit pas à un vote tous les cinq ans, des biens partagés et des enfants heureux à l’école. Et puis, du bon temps à la maison! Des inventions curieuses et généreuses émergent de partout. Cela s’appelle la transition. Le film «Demain» en a vulgarisé le concept. Il faut raconter ces milliers d’efforts en ville et à la campagne qui donnent des idées à tous ceux qui veulent faire de leur vie une aventure commune dont chacun puisse être fier.

Le couteau entre les dents et les mains à la charrue

S’il est indispensable de dénoncer les âneries et les injustices qui se passent partout, et de ne plus montrer de faiblesse pour les méchants, l’essentiel est dans l’action vers le futur. Et rassembler force et détermination pour préserver l’essentiel: la démocratie et sa gouvernance participative, une économie régulée à l’échelle mondiale et locale, des lois protectrices et respectueuses des minorités! Clairement «revenir» aux bases, qui ont permis à l’Europe de vivre riche (mais oui!), en paix, cultivée et libre pendant un bon demi-siècle. Un certain respect du temps passé, de la prudence et de l’amour (oui encore…) doivent accompagner la volonté de transformer la société. Beaucoup est à conserver dans le sens étymologique de «garder soigneusement, préserver, protéger de quelque chose», de notre civilisation occidentale. Par exemple, quand les femmes parlent d’émancipation, cela ne veut pas dire rejeter les traditions, les savoir être et aimer, mais les vivre librement et les partager.

Errer ou s’enraciner

La modernité s’est enlisée dans l’individualisme où chacun fait tout ce qui lui plait, sans se donner de limite. Quel fourvoiement! La liberté est le bien le plus estimable dans une vie humaine tant qu’elle ne bafoue pas la règle d’or (traite les autres comme tu voudrais être traité), sinon la vie de la vie se détruit à petit feu. Chacun a le droit de décider ce qui est bon pour lui. Mais l’espèce humaine n’est pas tombée du ciel, et l’homme est enraciné sur une terre dont il partage la nature commune avec d’autres dans une structure sociale qui lui assure sa survie. Ses actes ont une conséquence sur ses congénères. Les lois sociales établies au cours des siècles ne sont pas immuables, mais certaines forment un corpus fixant droits et devoirs humains indispensables à la vie collective.

Pour les préserver, il faut sans cesse «lutter pour»! POUR la liberté, POUR la fraternité, POUR le partage et la considération mutuelle. C’est un beau combat à mener parfois contre ses propres frilosités, sa paresse ou son manque de confiance en l’humanité. Bon an mal an, chacun se débrouille sur terre, se protégeant maladroitement pour dépasser l’absurde condition humaine. Mais la certitude, c’est qu’il reste beaucoup à faire! Tant de beau à protéger et à développer, et tant de bon à vivre entre nous, tous, ici et au loin, en l’an 2017.