Une Commission européenne insoumise au «big business»… cela arrive!

Le «dieselgate» n’en finit pas de provoquer des ratés chez Volkswagen. Puni par les Etats-Unis, le premier constructeur automobile mondial a tenté d’échapper aux explications réclamées par les instances européennes. Avant de passer à l’intimidation, sans succès cette fois.

Début 2017, le Département américain de la Justice concluait avec le groupe Volkswagen un accord préliminaire relatif aux émissions excessives de CO2 des moteurs diesel, pour un montant de 4,3 milliards de dollars (4,1 milliard d’euros).

De son côté, la Commission européenne avait tenté, durant plus de six mois de négociations infructueuses, de convaincre le groupe allemand de coopérer pour solutionner le scandale du «dieselgate» en Europe.

Dès lors, la commissaire européenne à la justice, la Tchèque Vera Jourova, considéra que Volkswagen avait enfreint la législation européenne en matière de consommation. Et, davantage encore, elle n’avait pas répondu aux demandes légitimes des consommateurs en matière de compensation pour les dommages causés aux 8,5 millions de clients lésés par la triche du constructeur automobile. Celui-ci ayant reconnu avoir dissimulé ses émissions polluantes excessives, la commissaire menaça alors Volkswagen de «mesures coercitives» si la société s’entêtait à ne pas rencontrer ses exigences.

Excédé par l’insistance de la commissaire, le patron de Volkswagen Matthias Müller exprimait son irritation dans une lettre du 27 mars dernier adressée au président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Il prétendait notamment que la commissaire n’avait pas le pouvoir de forcer la main du constructeur, mais exerçait néanmoins des pressions politiques sur celui-ci pour obtenir des compensations. Se présentant comme «la première entreprise allemande», il écrivait plus précisément: «De notre point de vue, il n’est pas dans les compétences de la Commission de faire respecter les droits des consommateurs» et poursuivait: «je vous demande instamment que la Commission s’en tienne à son devoir d’impartialité».

Si le directeur général de Volkswagen s’adressait à M. Juncker comme à l’un de ses cadres dirigeants, la réponse du président de la Commission, en date du 14 avril, ne manqua pas de fermeté. Il soutient totalement la position de la commissaire à la justice.

Il rappelle que «la Commission s’assure toujours que ses actes sont en conformité avec ses responsabilités» et il mentionne la base juridique sur laquelle se fonde la Commission, à savoir le Règlement (CE) N°2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs.

Il est vrai que cette base est étroite: la Commission est essentiellement responsable de la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs. Mais, vu le nombre de consommateurs victimes de la triche du constructeur, elle revendique le droit de s’immiscer dans cette affaire d’intérêt général européen, d’autant plus que les autorités nationales compétentes en matière de droit à la consommation ne se sont pas elles-mêmes mobilisées à la hauteur des enjeux.

Rappelons au passage que la Cour de Justice de l’UE s’est déjà déclarée compétente en matière de défense des consommateurs, comme nous l’avons mis en exergue précédemment dans l’article  La CJUE épouse la cause du peuple.

Nous avons souvent mis en évidence les compromissions de la Commission européenne avec les magnats de l’industrie et de l’économie mondialisée. Nous devons aussi lui rendre justice — et l’encourager! — lorsqu’elle se met au service de l’intérêt général qui, au fond, est sa véritable raison d’être.


En complément

Le «Dieselgate» est aussi un scandale de lobbying

Cet article de Multinationales démontre que le scandale du «dieselgate» ne se réduit pas à une simple affaire de tricherie de la part de Volkswagen et de quelques autres constructeurs sur les émissions polluantes de leurs véhicules. Il illustre aussi plus largement la manière dont tout le secteur automobile a pu allègrement contourner les normes en vigueur, voire les adapter à ses besoins. Les gouvernements nationaux et les instances européennes ont une part de responsabilité indéniable dans cette situation qui souligne encore une fois l’influence néfaste des lobbies.